Archives départementales de l'Indre

Le retour du Christ de Gargilesse (2024)

Avec la restauration des stalles de Poulaines, c’est l’autre « événement » de cette fin d’année 2024 : le retour du christ de Gargilesse. Il avait rejoint l’atelier de la conservatrice-restauratrice Fabienne Bois en 2021 et, après trois ans de restauration, l’objet précieux est revenu dans l’église Saint-Laurent-Notre-Dame de Gargilesse.

Durant ce temps, un important travail d’observation et d’intervention a été mené : observation de la polychromie, traitement du bois et de la couche polychrome. La question primordiale jusqu’à ce jour était celle de la datation du christ. Certes il était admis que les bras du christ étaient beaucoup plus récents (XIXe siècle) que le reste du corps, car plus fragiles, mais afin d’affiner et de préciser de manière scientifique cette datation, l’objet a été soumis à une analyse dendrochronologique (étude de l'âge des arbres d'après les couches concentriques repérables dans la coupe transversale des troncs).

Bien qu’une étude xylologique (étude des propriétés physiques et chimiques ainsi que des essences de bois) fût rendue compliquée en raison de la polychromie, l’œuvre s’avère être en tilleul de la tête aux jambes. En revanche les bras, l’extrémité du nez et les pieds seraient de bois plus clair (orme ou charme). L’ensemble pèse au total 66 kg.

La polychromie actuellement visible est un repeint, qu’il s’agisse de la couleur de la carnation ou celle du périzonium. La couche picturale avait été élaborée à base de blanc de plomb. Toutefois, la couleur d’origine du périzonium se révèle être un bleu d’outre-mer ou de lapis lazuli. Au préalable le bois a subi un traitement insecticide curatif et préventif en anoxie dynamique : il s’agit d’un traitement qui combine plusieurs paramètres dont la température, le taux d’hygrométrie et le taux d’oxygène, afin d’asphyxier les insectes et larves présents dans l’objet. A l’issue de ce traitement, les zones rendues fragiles par les insectes xylophages ont été consolidées puis l’intervention s’est portée sur la polychromie. Afin de dégager l’encrassement accumulé, Fabienne Bois a utilisé plusieurs outils dont un stylo fibre de verre permettant ainsi d’éliminer une importante épaisseur de poussière. Enfin la polychromie soulevée a été refixée à l’aide d’une résine acrylique. Après ces interventions, des retouches ont été réalisées grâce entre autre à des ajouts de pigments naturels à la cire. L’objectif était également de rendre l’ensemble de la sculpture homogène au niveau esthétique.

S’agissant de l’étude archéodendrométrique, elle a été menée par Didier Pousset du laboratoire d'expertise du bois et de datation par dendrochronologie de Besançon. L’archéodendrométrie est une discipline qui combine à la fois des identifications xylologiques, des relevés dendromorphologiques (permettant de préciser notamment le mode de débitage des bois), des observations tracéologiques des outils employés et des datations dendrochronologiques à partir des cernes annuels de croissance. Parfois, et c’est le cas pour le christ de Gargilesse, des datations radiométriques par carbone 14 peuvent être envisagées pour tenter d’estimer au mieux la date de mise en œuvre des bois.

Les résultats de la datation radiocarbone, qui a été établie à partir de deux cernes de croissance, se situeraient dans un intervalle compris entre les années 1016 et 1062 avec une probabilité à 87,2 %. Cependant, il faut tenir compte de plusieurs paramètres indispensables dont le mode de débit du bloc de tilleul employé et la croissance des cernes. On peut ainsi considérer que comme le tilleul a été abattu puis sculpté, à l’échantillon analysé il faut ajouter une quarantaine de cernes supplémentaires, ce qui porterait la datation de cette œuvre dans une fourchette comprise entre 1056 et 1102 (87,2 % de probabilité), soit une œuvre de la seconde moitié du XIe siècle.

Le christ de Gargilesse s’inscrit donc dans le répertoire singulier des christs romans.

Date de modification : 13 janvier 2025

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